Paolo’s Blues
un texte de Daniel de Bruycker lire un quatrain à gauche, un quatrain à droite etc
Pas d’effigie pour marquer son tombeau ou alors cette espèce de rien partout où il n’est pas |
Dans l’air vide ce qui n’est pas encore le sillage de l’oiseau et déjà plus l’oiseau |
Dans Perdido la note bleue puis qui se perd, plus haut dans toujours plus de bleu |
Dans le lointain, larges accents de trombone, saluant à grands gestes depuis la benne d’un camion noir |
Le jazz, tambour de l’exil musique de nègres blancs et parce qu’on y joue riche avant d’en mourir pauvre |
Le jazz comme un spasme, une transe une surdose de temps – on en titube et c’est la danse on en tombe et c’est le temps |
Guitare, chemin portable porté en bandoulière tel Poucet nourrissant les oiseaux et qui n’en revient pas |
D’une vie ici le peu qui reste : traces d’envols, là où tombèrent les miettes |
Le ciel et s’y brûler les ailes – le fond et doucement s’y fondre |
Dansant la tarentelle, funambule sur la corde de mi aigu ; tirant, poussant, tordant du doigt la corde du mi grave |
Six cordes pour tout dire : le blues et l’Italie, l’amour, l’ennui, mourir et l’autre vie |
Six cordes pour y danser six vies l’une après l’autre, six cordes pour se pendre la septième est la seule qui compte |
La porte du club s’ouvrant dans la nuit noire, son et lumière délivrés d’un seul coup |
Pulsée du fond du ventre jusqu’on ne sait où, musique colonne d’air avec sa racine en nous |
Dans le silence le bruit d’un pas qui se rapproche en s’éloignant |
Dans le chat son sommeil ; dans son sommeil le chat |
Dans Vento, de ne savoir d’où soufflait ce vent-là, de ne savoir jusqu’où il va ni s’il y a du vent là-bas |
Hors de vue, silencieux comme un sillage inexplicablement qui fait tanguer la berge |
Jazz : cœur tambour cordes nerfs poumons de cuivre plaque sensible |
Vivre pour cela, et se riant d’en vivre ; en mourir, dernière façon d’en rire |
D’ici où rien n’est certain jusque là-bas dont ici ne sait rien quel chemin ? |
Six cordes pour tout faire : les jours, les nuits, toujours et aujourd’hui, elle et lui… |
Cherchant le son comme en quête du mot juste pour lui redire encore qu’on l’aime tout autrement qu’hier |
Et béni soit l’enfant, qui souffre, Billie, si, du fond de ce gouffre peut remonter le chant |
C’est poignant, c’est fort, c’est ça… Merci, Daniel, pour ce magnifique poême. Henry